Photo compromettante de l’Amérique : À poil en civil, de Jerry Stahl

Publié le par Yan

a_poil-20en-20civil.jpgManny Rubert déteste les flics. Manny Rubert est un camé. Manny Rubert est inspecteur de police du Haut-Marilyn, bourgade de la banlieue de Pittsburgh créée en même temps que le Bas-Marilyn au début des années 1960, à l’époque de JFK et de Marilyn Monroe.

Tina Podolsky est infirmière dans une maison de retraite. Tina Podolsky vient de tuer son mari en versant du débouche-évier dans son petit déjeuner.

Manny Rubert est chargé de l’enquête. Et il tombe sous le charme de Tina Podolsky qui, de plus, détient un document trouvé sous le matelas de Mme Zank, une pensionnaire de la maison de retraite, qui pourrait changer la face du monde.

Bien sûr tout le monde va se bousculer au portillon pour récupérer le document en question, à commencer par le fils de Mme Zank, Tony, minable truand qui tourne au crack et son complice, un noir sosie de Dean Martin.

« Tout ce qu’il parvenait à faire c’était contempler cette photo. Les mots inscrits en bas étaient MONSIEUR BIOCERVEAU. Au-dessus s’étalait le machin lui-même, une forme enflée couleur chair, oblongue et sillonnée de veines, qui brillait d’une façon particulière. Un index et un pouce apparaissaient juste à l’endroit où ils pinçaient la base, sans aucun doute pour faire gonfler l’objet en question de cette manière. Pour le rendre… semblable à un cerveau.

Ce qui obligeait à y voir autre chose qu’un simple scrotum d’homme blanc, c’était la face lunaire et souriante tatouée dessus. Deux yeux et un sourire. La face lunaire conférait à tout ça quelque chose de festif et de sain.

Deux autres visages apparaissaient encore sur la photo. Une partie du visage d’un homme, et un visage de femme entier. Leurs traits étaient plus faciles à distinguer que le matériel anatomique distendu. Ils flottaient autour, respectivement à minuit et à trois heures. En haut, bizarrement, c’était George Bush fils souriant, écervelé, avec l’expression de perplexité joviale qu’il arborait quand on lui posait une question de politique étrangère. Au même niveau que les testicules proéminents de George W., l’air tout aussi guilleret, se trouvait Margaret Beeman, maire du Haut-Marilyn depuis 1995. »

 Avec À poil en civil, Jerry Stahl livre une farce complètement déjantée sur l’Amérique des années 2000. On découvre une galerie de portraits plus allumés les uns que les autres, n’épargnant rien ni personne et, finalement, on en viendrait à penser que les truands les plus sanguinaires sont encore les personnes qui font preuve du moins de duplicité. Les situations aussi sanglantes qu’hilarantes se succèdent à un rythme effréné et, malgré quelques petites longueurs, l’auteur fait preuve d’une aisance impressionnante dans sa manière de mener l’histoire, livrant au passage quelques moments de bravoure littéraire qui valent à eux seuls le détour.

C’est le bon moment, si vous ne l’avez déjà fait, de découvrir Jerry Stahl puisqu’on retrouvera Manny (devenu Manny Rupert et non plus Rubert), toujours chez Rivages, dès le 7 septembre dans Anesthésie générale. Pas de George W. Bush, cette fois  mais il semblerait que Manny ait l’occasion de rencontrer le docteur Mengele. Tout un programme.

Jerry Stahl, À poil en civil (Plainclothes naked, 2002), Rivages/Thriller, 2005. Rééd. Rivages/Noir, 2007. Traduit par Thierry Marignac.

Du même auteur sur ce blog : Moi, Fatty ; Perv, une histoire d'amour ; Anesthésie générale ; Thérapie de choc pour bébé mutant ;

Publié dans Noir américain

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