Un patron modèle, de Seth Greenland

Publié le par Yan

Marcus Ripps est un homme assez terne, sans beaucoup de caractère. Il occupe néanmoins un bon poste dans l’entreprise Wazoo Toys (qui a connu un grand succès grâce au concept des « présidents en prières », figurines parlantes de présidents américains déclamant des passages de la Bible) fondée par Roon, un de ses amis d’enfance, et possède une jolie maison dans un quartier plutôt cossu. Mais sa petite vie de routine banlieusarde touche à sa fin le jour où Roon lui donne le choix : émigrer en Chine où va être relocalisée son usine, ou perdre son job.

Son épouse refusant de quitter Los Angeles, Marcus pointe donc rapidement au chômage et s’endette. Le salut arrive quelques mois plus tard lorsque Marcus apprend que son frère, Julian, avec lequel il n’avait plus de contact depuis plusieurs années, est mort en lui léguant sa blanchisserie. Une blanchisserie qui, Marcus le comprend vite, n’est qu’une façade pour un autre type de commerce, bien plus rentable et bien moins légal : Julian était un mac. Et Marcus, financièrement acculé, décide donc de reprendre le flambeau en injectant tout de même dans l’entreprise un peu de déontologie.

« Chez Wazoo, Roon s’était montré cupide dans ses rapports avec le personnel : salaires bas, avantages minimums, conditions de travail médiocres. Marcus, lui, serait bienveillant. Roon considérait ses employés comme des éléments interchangeables dans une machine économique. Marcus les considérerait comme des individus et les traiterait avec dignité. Le style de management de Roon était tyrannique, dénué de compassion. Marcus serait attentionné. Il essaierait de comprendre sa main-d’œuvre et de travailler avec elle. Il fit le serment d’être un potentat éclairé, qui dirige son entreprise en fonction des critères les plus exigeants du management à l’américaine, et non pas comme Roon, qui dirigeait Wazoo avec des méthodes de mac ».

On le voit, c’est un objectif ambitieux que se fixe Marcus, qui mettra petit à petit en place pour ses employées un plan d’épargne-retraite, une couverture santé et même un club de lecture. Et c’est bien là la facette la plus intéressante de ce roman : comment un employé timide, heureux de son confort, décide finalement, après avoir subi la loi du marché, de se relancer grâce à une entreprise a priori amorale en moralisant son rôle de patron. Bien entendu, cela a des répercussions sur sa vie de famille et en particulier sur ses relations avec sa belle-mère (qui soigne son glaucome en fumant de la marijuana et qui prend des cours de pole-dance) et, surtout, son épouse qui savoure son ascension sociale.

On suit donc les péripéties de Marcus et de sa petite famille avec un regard d’autant plus amusé que Seth Greenland dispose d’un bon sens de la formule et mène plutôt bien sa barque même si le récit tend parfois à trop s’étirer et à pencher peut-être un peu trop par certains aspects (en particulier les efforts de Jan, la femme de Marcus, pour faire vivre sa propre entreprise et pour se faire accepter par les rupins du quartier) du côté des Desperate Housewives. Reste que, dans l’ensemble, Un patron modèle est un roman à la lecture agréable, au ton léger et détaché mais pas bête, et l’on est curieux de jeter un œil aux autres ouvrages de Seth Greenland.

Seth Greenland, Un patron modèle (Shining City, 2008), Liana Levi, 2008. Rééd. Lian Levi Piccolo, 2011. Traduit par Jean Esch.

Du même auteur sur ce blog : Un bouddhiste en colère ; Mécanique de la chute ;

Publié dans Noir américain

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G
Je trouve l'idée de départ plutôt sympa...Je note
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Y
<br /> <br /> Un bon moment de détente pour moi. Une lecture agréable.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Dans mon souvenir, Mister Bones était meilleur, tu me diras...
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Y
<br /> <br /> Je le lirai avec plaisir. S'il est meilleur tant mieux. Celui-ci m'a bien plu, mais, si c'est un roman agréable avec un très bon point de départ, je l'ai trouvé un peu trop lng et pas<br /> inoubliable.<br /> <br /> <br /> <br />